Un exercice du GSIGN - (Été 1986)
Au cours de l'été 1986,
je fus sollicité par le GSIGN (1) qui souhaitait organiser un exercice sur
l'aéroport de Toussus-le-Noble. Ayant répondu favorablement sur le principe,
j'accueillis dans mon bureau l'Adjudant de gendarmerie Bellanger afin de
préparer cet événement.
Il me présenta d'abord l'organisation du
GSIGN, basé à Satory, alors commandé par le Colonel Friedrich (2). Cette unité
d'élite regroupait:
- Un état-major avec un officier et 12 sous-officiers;
- Le GIGN (Groupement d'Intervention de la Gendarmerie
Nationale) avec 4 officiers et 74 sous-officiers, alors commandé par le
Capitaine Legorjus (3);
La
"roulante" et la R16 du Colonel...
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- L'EPIGN (Escadron Parachutiste d'Intervention de la
Gendarmerie Nationale) créé en 1984, comptant 5 officiers et 130
sous-officiers), alors commandé par le Capitaine Chancerelle;
- Le GSPR (Groupement de Sécurité de la Présidence de la
République) commandé par le Lieutenant-Colonel Le Caro (5 officiers et 90
sous-officiers).
On ajouta en 1985 à ce dispositif un groupe
"Instruction" chargé de rechercher et d'organiser des thèmes
d'entraînement pour ces différentes unités.
Cette opération devait servir, me dit-il, à tester la bonne
coordination entre les différentes unités (Blindés, Parachutistes, GIGN, Armée
de l'Air).
le Transall qui sème ses corolles grises... |
Évidemment, je fus impressionné par cette présentation qui
nous promettait une démonstration grandiose sur l'aéroport...
Le
scénario choisi visait à récupérer un otage détenu par des rebelles retranchés
dans la vigie de la tour de contrôle, sur un aéroport ami, mais toutefois dans
une contrée étrangère, hostile à notre pays, dont les forces armées pouvaienr à
tout moment investir la plate forme.
L'adjudant
Ballanger
s'apprête à réceptionner les
paras |
Au
petit matin, sur le chemin de mon bureau, j'allai visiter le Colonel Friedrich,
déjà installé confortablement dans sa "roulante", une fourgonette
Renault bien équipée, stationnée sur le parking non loin de ma résidence. Il
m'accueillit et m'offrit un petit déjeuner convivial...Quatre véhicules blindés
de la gendarmerie (5) s'étaient placées à proximité de sa roulante transformée
pour l'occasion en P.C.
Le
Colonel, blessé lors d'un saut récent en parachute, en se receptionnant trop
brutalement au sol, marchait avec des béquilles.
Dans la matinée, un stick
de parachutistes fut largué d'un Transall du COTAM à l'Ouest de l'aéroport.
L'adjudant Bellanger, équipé d'un talkie-walkie, assurait la liaison radio avec
les équipages des Transall qui suivaient un cap tenant compte de la direction
du vent, matéralisée au sol par de puissants fumigènes.
Le bloc
technique;
on distingue le restaurant "La Volière",
la vigie et l'aérogare (l'Isba).
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Les parachutistes, aussitôt sur le sol, se déployèrent à la
périphérie de l'aérodrome afin de prévenir toute attaque pouvant venir de
l'extérieur ;
Photo qui
montre
l'activité de
l'aéroport en 1986...
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Ensuite, sous la conduite du capitaine
Legorjus, le GIGN passa à la phase de libération de l'otage détenu dans la
vigie. La "trouvaille" du capitaine pour y parvenir fut très
originale: posté à l'entrée de l'aéroport, il réquisitionna sans façons la
camionnette frigorifique d'un livreur qui se rendait au restaurant "La
Volière", établissement situé comme chacun sait au pied de la tour de
contrôle. Le Capitaine Legorjus et son adjoint demandèrent donc au chauffeur de
patienter quelques instants et celui-ci -l'inquietude succédant à la surprise-
leur répliqua "qu'il était ravi de partager le jeu des gendarmes, mais que
ses denrées surgelés ne souffraient pas d'attendre pour être livrées à la
Volière"...Le
Capitaine le rassura...
Le Capitaine
Philippe Legorjus (à gauche) et son
adjoint sur la terrasse de la tour de
contrôle
avec son garde corps sur lequel
vint s'agripper les grappins...
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Au moment où le livreur passait au pied de la
tour, le Capitaine Legorjus et son adjoint surgirent soudain de la camionnette,
lancèrent deux cordes et leurs grappins qui vinrent s'agripper au garde corps
de la terrasse, au sommet du bâtiment. Cette ascension fut, on s'en doute,
lestement menée par nos deux hommes surentraînés: ils firent irruption comme
par enchantement au milieu des contrôleurs aériens médusés, neutralisant le
preneur d'otage, et délivrant l'otage. Il est évident que nous fûmes tous
ébahis par ce dénouement si rapide...
Au même moment, un Transall
du COTAM venait, après un magnifique posé d'assaut de quelques dizaines de
mètres, se poster sur le parking situé au pied de la tour de contrôle. Il
ouvrit sa trappe arrière, par laquelle on embarqua l'otage et son ravisseur,
puis il décolla aussitôt vers Villacoublay, mettant un point final à toutes ces
péripéties.
Le
Transall du COTAM,
(photo prise de la terrasse
de la tour de
contrôle).
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Au soir de cette
mémorable journée, nous fûmes invités à participer à la séance
de débriefing à Villacoublay, dans les installation du COTAM, séance suivie d'un inévitable cocktail
où je pus converser avec tous les acteurs de cet exercice mené il est vrai de
main de maître. On nous distribua des fanions-souvenirs.
--o--
(1): Groupement
de Sécurité et d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GSIGN).
(2): Le Colonel
Friedrich commanda le GSIGN en 1985 et 1986 (le temps de commandement de cette
unité militaire, comme beaucoup d'autres, était toujours très court, de l'ordre
de trois ans);
(3): Le commandant
Philippe Legorjus, capitaine de gendarmerie, commandant le GIGN de 1985 à 1989,
sera confronté quelques années plus tard, alors qu'il était toujours commandant
du GIGN, à la prise d'otages dans la grotte d'Ouvéa en Nouvelle Calédonie en
avril-mai 1988. En se rendant dans la grotte pour négocier, il fut lui-même
pris en otage. Les otages furent libérés après l'assaut de la grotte (opération
"Victor"), lancé le 4 mai 1988, qui se soldera par deux morts et
quatre blessés côté militaire et 19 morts du côté du FLNKS des Kanaks.
(4): Le COTAM,
Commandement Opérationnel du Transport Aérien Militaire, basé à Villacoublay,
BA 107.
(5):
Véhicules blindés à 4 roues motrices de la gendarmerie, VXB 170 fabriqués
par Berliet.
--o--
Jacques
Pageix octobre 2019.
Dans la chronologie des articles de M. Jacques Pageix - Commandant de l’aéroport de Toussus: