Son surnom d'Isba vient du fait que ce bâtiment fut
construit à Orly, dans le prolongement ouest de l'aérogare sud, pour servir de
pavillon d'accueil de personnalités.
Sur cette photo, assez mauvaise au demeurant, prise
vers 1967, on distingue l'isba (avec ses mâts pour pavoiser), en haut à droite
de l'image, dans le prolongement de la jetée d'extension de l'aérogare sud (on
aperçoit le tour de contrôle). On voit aussi les fouilles et les fondations de
la nouvelle aérogare ouest. ADP avait une tradition d'accueil jusque dans ses
plus petits aérodrome (à Toussus, nous possédions tous les drapeaux du monde,
prêt à l'emploi).
Nikita Kroutchev fut l'un des tout premier présidents que
l'on reçut dans ce pavillon, lors de sa visite en France en mars 1960. C'est pour cela que ce bâtiment fut baptisé
"l'Isba". Lors des travaux d'extension vers l'ouest des installations
sud et de la construction de l'aérogare ouest lancée en 1967, ADP eut la bonne
idée de la démonter et de la reconstruire à Toussus.
Lors de mon affectation à Toussus, le 6 septembre 1982,
l'Isba abritait six agents d'aérogare opérant selon un tableau de service.
L'un d'eux était un grand déguingandé, très original,
ayant toujours l'air surpris lorsqu'il était abordé par un passager ou un
équipage. Au cours de mes débuts à Toussus, un dimanche matin, je fis une
petite visite dans l'aérogare; je le trouvai étendu derrière le comptoir, mais
laissant dépasser ses pieds; il me vit,
se leva, soudain raidi dans un garde à vous impeccable, avec son
costume-cravate bleu d'ADP et balbutia: "Monsieur Pageix, vous savez, je
suis très fatigué". Il tenait un sandwich à la main et portait une
serviette autour du cou, pleine de miettes. Le lundi je racontai cela à mon
adjoint Patrice Bralet qui me répondit: "Ah! il t'a dit qu'il était
fatigué; alors, c'est sûr, il va te poser un congé maladie", ce qui ne
manqua pas d'arriver. À sa demande, il
fut muté au siège d'ADP, boulevard Raspail et, comme tous les agents
d'aérogare, il ne fut pas remplacé. C'est ainsi qu'au fil des mutations, de
quelques réaffectations locales et surtout des départs en retraite (j'en ai
fait des discours...), ce petit monde d'agents d'aérogare fondit comme beurre
au soleil et ce service disparut complètement en 1988!
En 1986, eut lieu un extraordinaire cambriolage dans les
locaux de la gendarmerie des transports aériens (GTA), le jour de l'ascension;
qu'on en juge plutôt: le gendarme vint prendre son service et découvrit le
coffre-fort qui renfermait entre-autre les armes et les munitions, transporté
sur le devant de l'aérogare! Le coffre, éventré, avait été descellé du mur en
brique dans lequel il était encastré! Ceci conforta ma demande d'une nouvelle
brigade dans un bâtiment en dur avec logements (les gendarmes, sauf Lemaire qui
habitait à l'entrée, étaient dispersé aux alentour). Après bien des reports et
tergiversations, un beau bâtiment en brique fut enfin construit en 1993 pour la
GTA à l'entrée du terrain.
Je réalise aujourd'hui qu'à Toussus, si j'ai connu la
destruction du club house d'Air France, qui fut heureusement reconstruit et
celle de l'isba, totalement irrécupérable et qui fut rasée; en contre partie, je vis la construction
du bâtiment de la gendarmerie et celle de nombreuses installations en zone est, telle qu'Héli-Union-Industrie.
La Police de l'Air et des Frontières (PAF) était
installée dans l'aérogare. Au début, il y avait la police en tenue et un bureau
de policier en civil rattaché au siège de la PAF situé au Chesnais, dirigé par
un inspecteur de police. Il y eut à Toussus un Inspecteur nommé Brousse. Il
venait de la mondaine...Ce détail me rappelle une histoire cocasse: j'étais en
vol au centre de Melun et, à mon retour, mon adjoint qui ne manquait pas
d'humour m'interpelle: "Jacques, tu en as râté de belles!...il est vrai
que tu ne peux être au four et à Melun". Il m'explique: en zone Est, dans
les hangars d'une société d'hélicoptères, UP-Professionnel Air Service, à
l'abri des regards (qui n'auraient pas manqué), se déroulait le tournage
(clandestin) d'un film (sans autorisation d'ADP). C'était au mois d'août, il
faisait naturellement chaud et surtout dans ces hangars surchauffés. Aussi, les
acteurs éprouvèrent-ils le besoin de sortir sur le parking des avions pour se rafraîchir.
Incroyable! : c'était un homme et une femme nus comme des vers; l'homme n'avait
pour tout vêtement qu'un chapeau haut-de-forme et la femme un voile de mariée
sur la tête! Inutile de dire que nos deux mariés ne passèrent pas inaperçus:
Les contrôleurs à la tour braquèrent leurs jumelles sur ce spectacle
inhabituel; des avions roulant sur le taxiway proche stoppèrent brusquement,
les pilotes n'en croyant pas leurs yeux! Évidemment, l'inspecteur Brousse se
porta aussitôt sur les lieux du délit pour établir un compte rendu
circonstancié (j'ignore s'il prit des photos pour son rapport)...
Le bâtiment techique, sa tour de contrôle, et l'Isba. Au premier plan, la Land Rover... |
Plus tristement, la police de l'air (PAF) disparut le 17 novembre 1993, décimée lors de l'accident dramatique d'un TB20 de l'ATCF (Aéro Touring Club de France) piloté par un jeune inspecteur, où les quatre policiers et une policière trouvèrent la mort. Cet accident se produisit peu après une collision en vol entre un Cessna 150 de l'aéro club d'Air France et un moto-planeur Fournier survenu le 11 novembre précédent.
Quelques jours après, j'assistai aux obsèques du chef de
la PAF, à Ris Orangis.
Les Douanes: Il y avait là aussi des agents en tenue et
des agents en civil.
Mme Gallot était la chef de poste (elle avait été
auparavant chef de poste à Maubeuge). Les installations électriques de
l'aérogare laissaient un peu à désirer et Mme Gaillot faisait périodiquement
sauter le balisage en faisant réchauffer son fricot sur un four électrique.
Cela se produisait quelquefois le week-end, et j'étais contraint d'aller
réarmer les disjoncteur dans le local technique. Il y avait à l'intérieur des
barres transportant 20000 volts et l'on devait se glisser entre elles et le
mur, jusqu'au fond du bâtiment où se trouvaient les fameux disjoncteurs.
Lorsque le courant était fourni par l'un des deux groupes électrogènes, nous
allions les ré-armer dans les mêmes conditions un peu scabreuses. Il ne fallait
pas être pris d'un malaise. Un jour, brusquement, ADP mit fin à ces pratiques
en restreignant l'accès à ses seuls agents munis d'une habilitation électrique.
Ceci fut naturellement au prix de délais d'intervention qui s'en trouvèrent
augmentés.
Deux sociétés étaient installées dans l'aérogare:
-"Air affaire assistance", créée depuis
longtemps par Michèle Gandon. Cette entreprise mettait en relation les clients
et les compagnies aériennes.
-"CHALAIR", compagnie aérienne basée à
Caen-Carpiquet, dont le directeur était M. Lebaron, et dont l'antenne de
Toussus dirigée par Mme Pajan occupait un bureau dans l'aérogare. Chalair
transportait (jusqu'à 5 rotations par jour) les personnels de la COGEMA de
Toussus vers Cherbourg, sur le site de retraitement des déchets nucléaires de
La Hague.
Au premier plan, le petit Robin
2160 utilisé pour l'astreinte et l'entraînement des agents pilotes. Avion
surnommé le "coupe-racine" à cause de sa quille anti-roulis sous la
dérive...Il était souvent garé près du pavillon du commandant, sur un petit
parking désaffecté que nous appelions le parking Pinaud (Michel Pinaud avait
pris l'habitude de le garer là)
Il nous revenait parfois quelques histoires cocasses sur
ce petit monde cohabitant dans cet espace restreint, où la promiscuité ne
manquait pas de susciter de petits conflits.
À Toussus, nous étions très souvent sollicités pour des
tournages, car cet aéroport plaisait aux réalisateur, et notamment son aérogare
qui ne manquait pas de charme, et qui était rééllement photogénique avec ses
dimensions modestes et tous les services en uniformes qui s'y trouvaient
(Gendarmerie, Police et Douanes). Après avoir mis le cinéaste en relation avec
le service des tournages d'ADP (il y eut à sa tête Mme Louis je crois), il
venait faire un repérage et prenait avec nous rendez-vous pour le
tournage.
Parmi de nombreux tournages, on assista en 1983 à celui
des épisodes de la série Châteauvallon, "le Dallas à la française"
avec Chantal Nobel, et la chanson culte interprétée par Herbert Léonard
"Puissance et gloire".
Il y eut aussi
"Le vol du sidewinder" (feuilleton de Pierre Bellemard); "Blanc
de Chine" (Denys Granier Deferre fils de Pierre, qui m'offrit le script),
etc.
Construction de l'auvent côté parking avion.
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Encore une petite anecdote sur
l'aérogare: mon prédécesseur, Michel Pinaud, commandant de l'aéroport de 1979 à
1982 (disparu en 2001), me raconta qu'il avait reçu Gilbert Dreyfus (*) à
Toussus. Entre-autres réclamations, Michel se plaignit de l'absence de chariots
à bagages à la disposition des passagers dans l'aérogare et lui fit remarquer
qu'il y en avait plétore à Orly. Gilbert Dreyfus lui répondit: "Hé
bien, allez les voler mais ne vous faites pas prendre!" (Ce qui fut
fait...)
(*): Gilbert Dreyfus, Directeur Général
d'Aéroports de Paris de 1971 à 1981.