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27/10/2019

le GSIGN et le GIGN sautent sur Toussus - Mémoire du Cdt Jacques Pageix




Un fait marquant sur l'aéroport de Toussus-le-Noble: 

 Un exercice du GSIGN - (Été 1986)



Au cours de l'été 1986, je fus sollicité par le GSIGN (1) qui souhaitait organiser un exercice sur l'aéroport de Toussus-le-Noble. Ayant répondu favorablement sur le principe, j'accueillis dans mon bureau l'Adjudant de gendarmerie Bellanger afin de préparer cet événement.





Il me présenta d'abord l'organisation du GSIGN, basé à Satory, alors commandé par le Colonel Friedrich (2). Cette unité d'élite regroupait:

- Un état-major avec un officier et 12 sous-officiers;

- Le GIGN (Groupement d'Intervention de la Gendarmerie Nationale) avec 4 officiers et 74 sous-officiers, alors commandé par le Capitaine Legorjus (3);


La "roulante" et la R16 du Colonel...
- L'EPIGN (Escadron Parachutiste d'Intervention de la Gendarmerie Nationale) créé en 1984, comptant 5 officiers et 130 sous-officiers), alors commandé par le Capitaine Chancerelle;

- Le GSPR (Groupement de Sécurité de la Présidence de la République) commandé par le Lieutenant-Colonel Le Caro (5 officiers et 90 sous-officiers).



On ajouta en 1985 à ce dispositif un groupe "Instruction" chargé de rechercher et d'organiser des thèmes d'entraînement pour ces différentes unités.




L'adjudant m'expliqua ensuite le thème de cet exercice qu'il souhaitait effectuer à  Toussus-le-Noble, en mettant en œuvre le GISGN, l'EPIGN et le GIGN, avec la participation du COTAM (4), également basé à Villacoublay.



Cette opération devait servir, me dit-il, à tester la bonne coordination entre les différentes unités (Blindés, Parachutistes, GIGN, Armée de l'Air).
le Transall qui sème ses corolles grises... 

Évidemment, je fus impressionné par cette présentation qui nous promettait une démonstration grandiose sur l'aéroport...

Le scénario choisi visait à récupérer un otage détenu par des rebelles retranchés dans la vigie de la tour de contrôle, sur un aéroport ami, mais toutefois dans une contrée étrangère, hostile à notre pays, dont les forces armées pouvaienr à tout moment investir la plate forme.
         
L'adjudant Ballanger
s'apprête à réceptionner les paras
          
Au petit matin, sur le chemin de mon bureau, j'allai visiter le Colonel Friedrich, déjà installé confortablement dans sa "roulante", une fourgonette Renault bien équipée, stationnée sur le parking non loin de ma résidence. Il m'accueillit et m'offrit un petit déjeuner convivial...Quatre véhicules blindés de la gendarmerie (5) s'étaient placées à proximité de sa roulante transformée pour l'occasion en P.C.
         
Le Colonel, blessé lors d'un saut récent en parachute, en se receptionnant trop brutalement au sol, marchait avec des béquilles.

Dans la matinée, un stick de parachutistes fut largué d'un Transall du COTAM à l'Ouest de l'aéroport. L'adjudant Bellanger, équipé d'un talkie-walkie, assurait la liaison radio avec les équipages des Transall qui suivaient un cap tenant compte de la direction du vent, matéralisée au sol par de puissants fumigènes.
Le bloc technique; 
on distingue le restaurant "La Volière", 
la vigie  et l'aérogare (l'Isba).
          Les parachutistes, aussitôt sur le sol, se déployèrent à la périphérie de l'aérodrome afin de prévenir toute attaque pouvant venir de l'extérieur ;
Photo qui montre
l'activité de l'aéroport en 1986...
Ensuite, sous la conduite du capitaine Legorjus, le GIGN passa à la phase de libération de l'otage détenu dans la vigie. La "trouvaille" du capitaine pour y parvenir fut très originale: posté à l'entrée de l'aéroport, il réquisitionna sans façons la camionnette frigorifique d'un livreur qui se rendait au restaurant "La Volière", établissement situé comme chacun sait au pied de la tour de contrôle. Le Capitaine Legorjus et son adjoint demandèrent donc au chauffeur de patienter quelques instants et celui-ci -l'inquietude succédant à la surprise- leur répliqua "qu'il était ravi de partager le jeu des gendarmes, mais que ses denrées surgelés ne souffraient pas d'attendre pour être livrées à la Volière"...Le Capitaine le rassura...
Le Capitaine Philippe Legorjus (à gauche) et son
 adjoint sur la terrasse de la tour de contrôle 
avec son garde corps sur lequel
 vint s'agripper les grappins...

Au moment où le livreur passait au pied de la tour, le Capitaine Legorjus et son adjoint surgirent soudain de la camionnette, lancèrent deux cordes et leurs grappins qui vinrent s'agripper au garde corps de la terrasse, au sommet du bâtiment. Cette ascension fut, on s'en doute, lestement menée par nos deux hommes surentraînés: ils firent irruption comme par enchantement au milieu des contrôleurs aériens médusés, neutralisant le preneur d'otage, et délivrant l'otage. Il est évident que nous fûmes tous ébahis par ce dénouement si rapide...
Au même moment, un Transall du COTAM venait, après un magnifique posé d'assaut de quelques dizaines de mètres, se poster sur le parking situé au pied de la tour de contrôle. Il ouvrit sa trappe arrière, par laquelle on embarqua l'otage et son ravisseur, puis il décolla aussitôt vers Villacoublay, mettant un point final à toutes ces péripéties.

Le Transall du COTAM, 
 (photo prise de la terrasse 
de la tour de contrôle).
Au soir de cette mémorable journée, nous fûmes invités à participer à la séance de débriefing à Villacoublay, dans les installation du  COTAM, séance suivie d'un inévitable cocktail où je pus converser avec tous les acteurs de cet exercice mené il est vrai de main de maître. On nous distribua des fanions-souvenirs.
 
--o--

(1): Groupement de Sécurité et d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GSIGN).

(2): Le Colonel Friedrich commanda le GSIGN en 1985 et 1986 (le temps de commandement de cette unité militaire, comme beaucoup d'autres, était toujours très court, de l'ordre de trois ans);

(3): Le commandant Philippe Legorjus, capitaine de gendarmerie, commandant le GIGN de 1985 à 1989, sera confronté quelques années plus tard, alors qu'il était toujours commandant du GIGN, à la prise d'otages dans la grotte d'Ouvéa en Nouvelle Calédonie en avril-mai 1988. En se rendant dans la grotte pour négocier, il fut lui-même pris en otage. Les otages furent libérés après l'assaut de la grotte (opération "Victor"), lancé le 4 mai 1988, qui se soldera par deux morts et quatre blessés côté militaire et 19 morts du côté du FLNKS des Kanaks.

(4): Le COTAM, Commandement Opérationnel du Transport Aérien Militaire, basé à Villacoublay, BA 107.

(5): Véhicules blindés à 4 roues motrices de la gendarmerie, VXB 170 fabriqués par Berliet.
          --o--

                                                                               Jacques Pageix octobre 2019.


Dans la chronologie des articles de M. Jacques Pageix - Commandant de l’aéroport de Toussus: