Mes quinze années passées à Toussus-le-Noble sont déjà anciennes et pourrait être vouées à l’oubli, mais les souvenirs accumulés -bons et mauvais- sont tenaces, comme le lien affectif qui m’attache à cette plate-forme.
En septembre 1982,
l’aérodrome, que je découvrais pour la première fois, faisait penser à une
ruche bourdonnante où les hommes d’affaires côtoyaient les pilotes de loisir.
Dans la petite aérogare, surnommée l’ « Isba » (1), se
trouvaient rassemblés les services des Douanes, de la Police et de la
Gendarmerie, les agents d’aérogare d’Aéroports de Paris, et même une société
privée.
Son bloc technique, ancien
hôtel construit dans les années 30, avait de quoi surprendre, avec sa
boutique aéronautique et son restaurant voisinant avec les services de
l’Etat : le commandement, le contrôle aérien, le bureau de piste, la
maintenance technique (infrastructure et radio), et la station météorologique.
Il faut reconnaître que ce mélange, qu’on n’accepte habituellement pas dans un
bâtiment technique, faisait opportunément de ce lieu le point focal de
l’aérodrome : tout le monde s’y rencontrait.
L’autre sujet d’étonnement
fut la découverte du grand nombre de sociétés et d’aéro-clubs, s’étendant sur
trois zones et couvrant le tiers de l’emprise de l’aéroport. Je n’oublie pas la
qualité des relations qui furent aussitôt nouées avec les dirigeants et le
personnel, toujours chaleureuses et souvent amicales. Certaines persistent
encore. Je ne tardais pas non plus à tisser des liens de confiance avec les
partenaires voisins de l’aéroport (collectivités, associations, etc.)
Certes, si le sujet est la célébration du centenaire de l’aérodrome en 2007 et l’évocation de son passé
prestigieux. Je laisse aux spécialistes le soin de retracer fidèlement ce
passé, de l’épopée des frères Farman à la saga du Normandie-Niemen.
Pour ma part, j’évoquerai
quelques aspects peut-être moins connus :
Sait-on que dans les années
50, sous l’autorité du commandant de l’aéroport Henry Tessier, Toussus était le
lieu de rendez-vous des aéro-clubs, des sociétés, et des constructeurs, qui
venaient y présenter leurs machines ; ces rassemblements, véritables
salons aéronautiques de l’aviation générale, étaient tous les deux ans le
prétexte de grandes « kermesses aéronautiques » avec les
démonstrations en vol, et les championnats de France de voltige disputés par de
hautes figures comme le Chevalier d’Orgeix, Notteghem, Biancotto, etc.
Cette tradition de
rassemblement festif se poursuivit par la suite et j’ai pu être le témoin, dans
les années 80, de courses aériennes organisées au départ de Toussus, qui
attiraient un nombreux public : ce fut successivement l’Air Transat
(Paris-New-York), la Transafricaine (Paris-Libreville), , Paris-Pékin-Paris et
la Malaysia Air Race (Paris-Langkawi-Paris). On pouvait rencontrer sur le
tarmac des personnalités aussi diverses qu’Alain Souchon, Miss France ou la
Reine Noor de Jordanie. Je me souviens aussi du dirigeable qui venait s’amarrer
chaque été.
Beaucoup de célébrations
émouvantes s’y sont déroulées : le cinquantenaire de la Libération, la
commémoration organisée à la mémoire de l’Amiral Ramsay, organisateur du
débarquement de Normandie, mort à Toussus en 1945 lors du décollage de son
avion pour Bruxelles où il devait rencontrer le Maréchal Montgomery. Mais il
faudrait plusieurs pages pour retracer tous ces souvenirs.
Je n’oublie pas non plus les
relations qui s’établirent avec la Base d’Aéronautique Navale voisine, et avec
la Base Aérienne de Villacoublay dont le centre de contrôle aérien participait au
guidage des avions vers Toussus.
Pour terminer (et non pas conclure), s’il y a
une leçon majeure à retenir de ces années, c’est qu’un aérodrome ne peut se
satisfaire de ses seules activités aéronautiques. Il doit être attentif à tout
ce qui se passe autour de lui. Cela est subordonné à un effort incessant pour
établir et préserver des relations de confiance avec les partenaires voisins.
Je ne doute pas que la célébration du Centenaire y ait contribué !
Jacques
Pageix, ancien Commandant de l’Aéroport de Toussus-le-Noble.
(1) : Il avait été baptisé ainsi, car il
s’agissait de l’ancien pavillon d’accueil d’Orly, qui avait reçu le président
Khrouchtchev. Démonté et reconstruit à Toussus en 1960, ce bâtiment fut détruit
par un incendie en novembre 1996.