Un reportage, consacré aux
Fermes Lufa, réalisé par journalmetro.com
Dans la serie des acteurs dans leur cadre de vie, un exemple de ces jeunes Libanais de la diaspora qui font parler d'eux. Avec
ses Fermes Lufa, Mohamed Hage développe l’agriculture urbaine. Des projets qui méritent qu'on en parle.
Mohamed Hage se souvient encore du tabbouleh et des salades de sa mère. Un festival de goûts et de fraîcheur auquel il contribuait, puisque c’était lui qui, enfant, allait acheter chez le voisin le persil et les laitues. C’était au tournant des années 80 et 90, à Wardaniyeh, un village situé à 2 kilomètres de la mer, près de Saïda au Liban-Sud. En terme d'agriculture de proximité, difficile de faire mieux.
Aujourd’hui, Mohamed, 31 ans, vit à des milliers de kilomètres de Wardaniyeh. Depuis 1994, il est installé avec sa famille à Montréal, au Canada. Mais il n’a pas oublié le plaisir que procurent fruits et légumes tout juste cueillis.
"Il y a huit ans, j’ai commencé à regarder ce qui existait au Canada, en terme de techniques agricoles. Je voulais voir ce qui pourrait marcher au Liban pour améliorer la croissance des légumes de mes cousins", explique Mohamed Hage contacté par téléphone par lorientlejour.com. Une grande partie de sa famille au Liban est dans l’agriculture.
Mohamed cherche, se renseigne, étudie. Une idée commence à germer dans la tête du jeune Libanais. Elle se concrétise une nuit, à 2 heures du matin, il y a cinq ans : "Développer un modèle de production de légumes urbains. Comment ? Avec des serres installées sur les toitsde Montréal".
Il y a un an et demi, était lancée, sous la direction de Yahya Badran, un ami d’enfance libanais de Mohamed, la construction d’une serre de 3.000 mètres carrés sur un immeuble de bureaux de deux étages à Montréal.
L’affaire est baptisée Les
Fermes Lufa, du nom de ces courges qui "couvraient et rafraîchissaient la maison familiale à Wardaniyeh. Elles pouvaient être mangées, utilisées en éponge, et ne demandaient quasiment rien en contrepartie".
La serre des Fermes Lufa dont le slogan est "frais, local, responsable", son principe repose sur la récupération, la rentabilité et le bio.
Récupération de la chaleur d’abord, élément pour le moins crucial dans une ville où la température moyenne en hiver est de -10° C.
"En récupérant la chaleur produite par l’immeuble sur lequel la serre est installée, nous parvenons à créer le climat de Boston à Montréal", explique le jeune homme, diplômé en informatique. Gros avantage pour les propriétaires de l’immeuble : l’effet isolant de la serre permet de réduire les coûts de chauffage et de climatisation.
Récupération aussi de l’eau de pluie, en sus d’une irrigation au goutte-à-goutte et d’une recirculation de l’eau d’irrigation.
Rentabilité en éliminant les coûts de transport, les intermédiaires et les délais. "Nous vendons les légumes directement au consommateur", explique Mohamed Hage.
Après inscription, le client reçoit, une fois par semaine, un panier de légumes. Celui de la semaine du 13 au 17 février dernier comprenait différentes variétés de tomates, des poivrons, des piments, de la laitue, du fenouil. Une variété de produits rendue possible par la création de microclimats, grâce à des logiciels spécifiques, dans la serre.
"Nous nourrissons 2.000 personnes avec des légumes cueillis dans la journée, s’enthousiasme Mohamed. Et nous ne dépensons que 15 dollars d’essence par jour pour la livraison".
Des légumes vendus au prix du marché, mais garantis frais et sans pesticides.
"Nous cultivons bio. Pour éviter le recours aux pesticides et herbicides, nous avons recréé un écosystème en introduisant chaque semaine, par exemple, des coccinelles pour éliminer certains insectes nuisibles. 5 % de nos légumes sont abîmés par les insectes, mais en contrepartie, nous économisons sur la main d’œuvre (en l’absence de pesticides, les abeilles peuvent faire la pollinisation). Ce n’est pas facile, il faut beaucoup de discipline, apprendre à faire de la biologie en serre, gérer les insectes, mais il n’y a rien de mieux pour la santé", souligne le jeune entrepreneur.
Aujourd’hui, les Fermes Lufa emploient 19 personnes, dont 12 qui se consacrent au développement de la compagnie, à savoir la construction de deux nouvelles serres.
Mais le jeune Libanais rêve plus loin encore : "J’espère qu’à travers le monde vont se multiplier les villes agricoles. Les fermes sur les toits permettent de récupérer des terres, de réduire les distances de transport et de vendre des légumes frais, sans pesticides, et à haute valeur nutritive. Il y a tant d’avantages à produire des légumes en ville, je pense que c’est l’avenir de l’agriculture".
Un tel projet aurait-il pu être monté au Liban, que Mohamed retrouve chaque année pour les vacances ? "L’accès à la technologue en Amérique du nord est un grand facteur dans la réussite des Fermes Lufa", reconnaît-il. Autre facteur important : les Fermes Lufa ont bénéficié d’un soutien des autorités montréalaises. "Parfois, on a l’impression qu’au Liban, il est plus difficile de promouvoir un projet hors norme", poursuit-il.
Ce qui n’empêche pas le jeune Libanais de vouloir monter, "un jour", un projet semblable au Liban, "ce morceau de paradis pour nous qui habitons à l’étranger". Pour le moment, rien de concret n’est toutefois prévu, les Fermes Lufa préférant bien développer leur technique avant de lancer une expansion mondiale.
Par Émilie SUEUR | olj.com | 20/02/2012site :
https://lufa.com/